Huvy : Accélérer l'accès à la dermatologie, protéger plus de patients.
8 avr. 2025
Huvy est accompagnée par la technopole de La Rochelle depuis février 2022. Nous avons interrogé Léonie Schroder, CEO de Huvy.
Destinée aux acteurs de santé de proximité, HUVY est une plateforme utilisant l’intelligence artificielle pour dépister le mélanome efficacement et à grande échelle, ce qui permet de prioriser et d'accélérer l’adressage des patients vers un dermatologue.
La technopole : Pouvez-vous vous présenter et parler un peu de votre parcours ?
Léonie Schroder : Je suis Léonie Schroder, CEO et cofondatrice de Huvy. Je suis ingénieure en informatique, diplômée de l’Institut Polytechnique de Paris. Mon parcours professionnel s’est principalement déroulé dans les cabinets de conseil en transformation digitale, car j’ai toujours eu à cœur de rendre la technologie utile dans des situations concrètes. Cela m’a progressivement éloignée de la technique pour me recentrer sur les besoins humains.
J’ai cofondé Huvy avec mon associé, Bryan, un ancien camarade de promotion spécialisé en intelligence artificielle. L’idée de Huvy vient de lui, inspirée par une expérience personnelle : un diagnostic tardif de mélanome dans sa famille. Cette situation l’a poussé à explorer l’utilisation de l’IA pour la détection précoce de ce type de pathologie. Lorsqu’il m’a présenté son idée, j’ai immédiatement vu un potentiel de transformation digitale dans le domaine de la santé, ce qui a tout de suite résonné en moi.
Nous entendons souvent parler de technologies révolutionnaires, mais elles semblent rarement accessibles aux patients ou aux soignants. Notre objectif avec Huvy est de rendre ces innovations concrètes et accessibles dans la vie quotidienne. C’est ainsi que notre projet est né.
La technopole : Votre entreprise en quelques lignes ?
LS : Huvy est une start-up que nous avons fondée fin 2021, spécialisée en intelligence artificielle appliquée à la dermatologie. Notre mission est de fluidifier les parcours de soin, notamment en facilitant la détection précoce du mélanome, la plus grande urgence dermatologique.
Nous voulons garantir que les patients à risque de mélanome ne soient pas contraints d’attendre plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous chez un dermatologue. À l’inverse, nous cherchons également à rassurer rapidement les patients anxieux, qui n’ont rien de grave mais ne peuvent en être sûrs sans avoir vu un spécialiste.
Pour répondre à ces deux besoins, nous proposons notre solution d’IA aux soignants de proximité (médecins, pharmaciens, infirmiers…) que les patients peuvent consulter rapidement, parfois dès le lendemain.
Nous avons récemment obtenu notre marquage CE2B, une autorisation équivalente à la mise sur le marché pour les dispositifs médicaux, ce qui marque une étape majeure dans notre développement.
La technopole : A quel moment avez-vous décidé de sauter le pas ?
LS : En 2020, pendant les confinements, Bryan a développé les premiers algorithmes suite à la mésaventure vécue par un membre de sa famille. De mon côté, j’ai mené une cinquantaine d’interviews auprès de soignants et de patients afin de mieux comprendre la situation. Nous avons rapidement constaté que ce problème n’était pas un cas isolé : de nombreux patients en France et dans le monde sont confrontés à des retards de diagnostic, principalement en raison de la surcharge des dermatologues. C’est ce constat qui nous a poussés, fin 2021, à créer un produit capable de répondre à ce besoin et de réellement faire la différence dans le parcours de soin des patients.
La technopole : Pour vous, votre entreprise c’est avant tout… ?
LS : Notre technologie a avant tout été calibrée pour s’adapter aux contraintes de la vraie vie. On entend souvent parler de « miracles » de l’intelligence artificielle ; mais en pratique, ces innovations sont souvent conçues pour faire du buzz ou des articles, sans vraiment répondre aux besoins concrets du terrain.
Les professionnels de santé manquent de temps, ont besoin de résultats rapides et fiables, et d’outils robustes. Par exemple, notre solution fonctionne à partir de photos : mais qu’en est-il si la photo est floue, mal éclairée ou prise sous un mauvais angle ? Ces contraintes, souvent ignorées par les technologies standards, sont essentielles pour garantir une adoption en conditions réelles.
C’est pourquoi, dès le début, nous avons co-construit notre solution avec les soignants. Notre priorité a été de créer un outil simple, rapide et transparent :
Facile d’utilisation, avec seulement quelques clics et peu d’informations à saisir
Des calculs effectués en moins de 10 secondes
Des résultats faciles à interpréter, mettant en lumière les éléments ayant conduit aux décisions
Nous avons tout fait pour développer un outil qui parle le langage des soignants et leur offre une transparence totale.
La technopole : Quel est le chiffre clé qui illustre le mieux votre entreprise ?
LS : En 2024, 50 % des patients renoncent à tout parcours dermatologique, jugé trop complexe ou inaccessible. Parmi eux, certains risquent de passer à côté d’un diagnostic de mélanome, avec des conséquences potentiellement dramatiques. C’est précisément pour répondre à ce besoin que Huvy a été créé. Avec un service accessible et facilement disponible près de chez soi, nous pouvons récupérer ces 50 % de patients.
La technopole : Votre entreprise ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui sans … ?
LS : Huvy ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui sans les équipes qui ont contribué à sa création, et par « équipes » j’entends cela dans un sens large. Il s’agit non seulement de nos équipes internes, les salariés et les équipes techniques qui ont travaillé activement à l’intégration de la technologie dans une application, mais aussi de tous ceux qui font vivre le projet au quotidien. Nos partenaires professionnels de santé jouent également un rôle clé. Grâce à eux, nous avons pu expliquer à leurs confrères que l’IA n’est pas une technologie magique, mais quelque chose de concret, explicable, avec des intérêts et des limites. Ce travail collaboratif nous a permis de développer un outil réellement utile dans la vie quotidienne des soignants. Huvy, ce n’est donc pas seulement une entreprise, un outil ou ses fondateurs : c’est un réseau complet de partenaires et d’employés qui ont permis à ce projet de prendre vie et de grandir.
La technopole : Quelle est la signification d’Huvy ?
LS : Notre nom provient d’un dérivé principal, facteur responsable des mélanomes : les rayons UV. Ce terme a été transformé en « Huvy », une façon pragmatique de marquer notre identité. Nous voulions un nom unique et mémorable, car en dermatologie, tous les noms incluant des mots comme « skin » ou « derm » sont largement utilisés par l’industrie cosmétique. Si nous étions restées dans ce cadre, nous risquions d’être noyés parmi les produits cosmétiques et de perdre notre identité dans cet écosystème. En choisissant un nom radicalement différent, nous avons créé quelque chose qui se distingue, afin que tout le monde sache que Huvy est un projet à part.
La technopole : Que vous apporte la technopole de La Rochelle dans votre développement ?
LS : C’est vraiment un partenaire de longue durée pour nous. La technopole de La Rochelle a fait partie des tout premiers à qui nous avons parlé de notre projet, à l’époque où il n’était encore qu’une idée. Ils nous ont énormément aidés à nous structurer dès le départ, car lancer une entreprise, ou même une aventure entrepreneuriale, c’est comme gravir l’Everest. Il est essentiel de définir des étapes, des objectifs, des paliers, et c’est précisément sur ces aspects que nous avons été beaucoup accompagnés par La technopole. Grâce à eux, nous avons pu avancer étape par étape, en décomposant cette montagne de défis en morceaux plus faciles à gérer. Ce qui a été particulièrement précieux, c’est l’accompagnement rapproché au démarrage : nous avons bénéficié des retours d’expérience des conseillers en innovation et avons aussi participé à des ateliers de co-construction avec d’autres entrepreneurs. Au fur et à mesure de notre croissance, cet accompagnement a évolué avec nous. Aujourd’hui, c’est parfois nous qui coachons d’autres entrepreneurs. La technopole continue de nous mettre en relation avec notre écosystème local d’innovation et de santé, ce qui nous permet de nous développer autour de nouveaux besoins et de nouvelles ambitions à long terme. Et maintenant que nous avons de nouveaux enjeux, nos façons de collaborer ont également évolué.
La technopole : Quel est votre meilleur souvenir depuis le début de cette aventure ?
LS : Comme toute aventure entrepreneuriale, il y a des hauts très hauts et des bas très bas. Lorsque l’on connaît un succès, c’est une explosion de joie, et quand une difficulté survient, c’est vraiment dur, il faut s’accrocher. Mais au final, ce que l’on retient, et ce qui, je pense, s’applique à beaucoup de projets, c’est l’aventure humaine. Ce sont les liens que l’on crée avec nos partenaires, nos associés, nos salariés. Lorsque les moments de doute arrivent, il est précieux de pouvoir se raccrocher à notre mission, à la raison pour laquelle on fait tout ça, et à l’impact que cela aura sur les personnes. Par exemple, notre rencontre avec l’association de patients "Cancer et peau" lors des Journées Dermatologiques de Paris cette année nous a profondément touchés. Ils ont vu de l’espoir dans la technologie que nous développons. De même, j’ai reçu des messages spontanés de patients qui nous disent qu'ils attendent avec impatience que notre outil soit disponible pour pouvoir être rassurés régulièrement. Tous ces facteurs humains sont ce qui nous donne du baume au cœur et nous réconforte dans notre mission, nous rappelant pourquoi nous faisons tout cela.
La technopole : Quel sont les prochains temps forts de Huvy ?
LS : Les prochains temps forts pour Huvy sont :
- Le déploiement dans la vraie vie : nous avons déjà commencé à mettre en place nos premiers parcours de soin en Charente-Maritime. Il était important pour nous que ce lancement commence près de chez nous, dans notre région.
- Une nouvelle phase de levée de fonds : une fois que nous aurons gagné en maturité avec nos premiers parcours de soin, nous prévoyons d’étendre ces initiatives à plus grande échelle. L’objectif est de nous assurer qu’un maximum de patients puisse bénéficier de ces parcours de soin innovants.